Traci Lords : sus au cinéma

7 mai 1968. Pour beaucoup d’érotomanes de la pelloche, c’est « la » date la plus importante de toute l’histoire du cinéma. En effet, c’est ce jour-là, quelque part dans une maternité paumée de l’Ohio, dans la ville de Steubenville (chambre n° 7), que naît une certaine Nora Kuzma (ou Norman Nussman , on ne sait pas trop). Le médecin accoucheur (on n’a pas réussi à retrouver son nom) se doute-t-il qu’il est le premier à tenir entre ses doigts gantés celle qui marquera à tout jamais le cinéma porno des années 80, j’ai nommé… roulements de tambour, rugissement du lion de la Metro Goldwyn Mayer, grand coup de gong… Traci Lords (ça y est, déjà trois lecteurs qui s’évanouissent).

Traci LordsTraci Lords (on dit aussi Tracy Lords ou Traci Lord ou Tracy Lord, bref), la future madone des mateurs, débarque dans le monde du X en 1984. Comment ? Simple : vivant peinarde avec sa mère et ses deux sœurs, elle est repérée sur une plage par un photographe de la revue de charme Penthouse qui, hypnotisé par ses formes, n’arrête pas de la mitrailler jusqu’à épuisement de ses pellicules. Traci comprend vite, très vite, très très vite, qu’elle peut, grâce à son corps, se mettre dans la poche un maximum de billets verts. Manque de bol, elle n’a que quinze ans. Trop « mûre » vis-à-vis de la loi pour se lancer dans l’érotisme poussé. Qu’à cela ne tienne, elle se fait établir une fausse carte d’identité et un nom bateau. Désormais, aux yeux de l’oncle Sam, elle est née le 17 novembre 1962 dans une ville de Floride sous le doux nom (bof) d’Elizabeth Nusman. 1962-1984, cela lui donne donc vingt-deux ans ! Largement l’âge requis pour se donner à fond! Guidée par son boy-friend de l’époque (Tom Byron, acteur de films X au visage juvénile, très réputé auprès de ses partenaires féminines) et par son agent, Jim South, Traci tourne son premier film hard : « Those young girls » (Top models, en version française), un truc plutôt osé (deux petites provinciales découvrent la ville, vous imaginez la suite) où elle « rencon-tre » Ginger Lynn (bientôt star du hard) et ce vieux briscard d’Harry Reems, un quinquagénaire moustachu et jovial, déjà présent au casting du premier hard américain notoire douze ans plus tôt (le célèbre « Gorge profonde »). A partir de ce film, Traci va voir défiler sa vie à la vitesse de la lumière puisqu’elle tourne quelque cent pornos entre quinze et dix-huit ans. Jusqu’à sa majorité (elle ne lâchera jamais le morceau sur son âge), Traci enchaîne film sur film. Parmi ces titres ravageurs, on trouve, pêle-mêle, « Le sexe sauvage » (où, fille de bourgeois, elle se donne à un clo-chard), « Loves bites» (où elle se fait piquer par un moustique qui l’incite à devenir une « Marie cou-che-toi là.» !), « Sex waves » (où elle meurt en se caressant avec un vibro-masseur. Juste le temps de retrouver son amant pour une touze dans les étoiles !), « 39° 5 le soir » (serveuse dans un drive-in très spécial), « L’éducation de Mandy » (où elle affronte, sur le tournage, les coups de gueule d’Harry Reems). Bref, une flopée de scènes orgiaques dont les plus célèbres restent celles de « G spot » et « New wave hookers », deux classiques du ciné X yankee des années 80. Dans «G spots, mis en scène par les frères Mitchell (ces vieux loups du hard ont réalisé le plus connu de tous, « Derrière la porte verte »), elle se donne tellement que certains de ses partenaires déclarent « perdre les pédales » en sa compagnie. Dans « New wave hookers », autre classique du genre (et récompensé en plus), Traci est dirigée à la baguette par les fameux Dark Brothers. Un duo de réalisateurs qui se sont taillé une drôle de réputation en faisant participer quelques membres de leur équipe technique aux « essayages » des plus belles filles du monde. Le paradoxe est étonnant : d’un côté des critiques élogieuses (du style « le film porno que vous avez toujours attendu »), de l’autre, des méthodes d’audition plutôt douteuses dignes d’une maison de passe de Hollywood Boulevard. Gui pourrait dire, aujourd’hui, dans quel état psychologique se trouvait Traci dans ces moments-là, alors que, déguisée en « diablesse dominatrice », elle se faisait prendre dans toutes les positions. Nul ne sait. On pense au cas Marilyn Monroe, elle qui, juste avant de trouver la gloire, posa nue pour un calendrier. Histoire de se faire quelques billets pour trouver de quoi crouter. L’argent ! Voilà le mot miracle. Traci se met de côté, en l’espace de deux ans de pornos non-stop, un joli pacson de 500 000 dollars ! Trois millions de chargée de surveiller un extra-terrestre en visite sur terre et qui ne peut survivre qu’en buvant du sang frais de jeunes et jolies femmes (pas vraiment un documentaire, donc !).

Traci LordsMis en boîte par Jim Wynorski, un jeunot qui se fait les griffes dans le film d’épouvante, « Not of this earth » a l’avantage d’être produit par Roger Corman, responsable de nombreux nanars jouissifs (dont la première version de « Not of this earth » qu’il réalisa lui-même dans les années 50) et de B-movies speedés. Autant de navetons qui permirent à toute une génération d’acteurs (comme Nicholson ou Peter Fonda) et de réalisateurs (Coppola, Scorsese) de débuter dans le métier. Un bon présage pour Traci, non ? En tout cas, elle ne semble pas avoir gardé un souvenir radieux de ce « Not of this earth », déclarant que Corman ne pense avant tout qu’a montrer des filles nues plutôt qu’a faire de l’art. Du coup, elle annule son deuxième contrat avec lui, un petit polar dans lequel elle devait jouer une femme-flic encore un peu trop déshabillée selon son goût. Pas grave, la télé la récupère (enfin) au tournant et lui donne un petit rôle dans l’une des meilleures séries de ces dernières années : « Un flic dans la Mafia ». Voilà de quoi redorer son blason. Comme Jane Fonda, Ar-nold Schwarzenegger et beaucoup d’autres stars, Traci sort alors sa propre cassette de mise en forme : « Jazzthetics » ou comment vaincre la cellulite grâce à certaines méthodes d’assouplissement. Traci se contorsionne donc, mais proprement cette fois-ci, pour le plus grand plaisir des ménagères américaines. Pour elle, les dures journées de tournage d’antan ne semblent plus être qu’un lointain souvenir. Dans la foulée, Traci se retrouve en vedette de « Fast-food », une pochade qu’elle tourne aux côtés de Jim Varney (acteur comique très populaire aux USA) et de Michael J. Pollard (le sosie de Pierre Perret !). Elle y joue une espionne chargée, par le patron d’une chaîne de fast-food, de découvrir les ingrédients utilisés par la concurrence pour garnir leurs hamburgers ! Une sorte de « L’aile ou la cuisse » yankee pour ainsi dire, Traci Lords remplaçant (avantageusement) Louis de Funès. Traci, très enjouée, a même déclaré avoir pris « un plaisir fou » à tourner ce film… Mais son premier-vrai-bon-et-authentique-rôle (je ne peux pas faire mieux !) Traci l’a trouvé récemment dans le superbe « Cry baby » de John Waters. Cinéaste culte branché naguère sur des films trash de mauvais goût (souvenez-vous du travesti Divine ingurgitant une crotte de chien dans « Pink flamingos »…), John Waters nous offre, avec « Cry baby », le meilleur film de sa carrière. Parodie musicale et décapante des teenage-movies des années 50 (style « Le rock du bagne » avec Elvis), « Cry baby » suit les pérégrinations, les bagarres, les amours et les espoirs (…et tout ce genre de choses) de deux bandes rivales : les Squares (des bourgeois bien élevés et propres sur eux) et les Drapes (des rockers anarchistes et provos): Traci, au sommet de sa beauté, incarne avec beaucoup de conviction une mauvaise fille, l’égérie de la bande des Drapes. La follingue va jusqu’à nous offrir une scène-délire où, recevant une piquouse contre la polio, elle se met à mimer une extase au LSD ! Contrairement à ce qu’on pourrait croire, Waters ne l’a pas engagée pour son passé sulfureux, mais bel et bien parce qu’elle s’est avérée excellente aux essais.

Il avoue même n’avoir jamais reluqué les films X de la belle» En attendant la sortie américaine et française (en août) de « Cry baby », Traci s’en est allée sur un nouveau tournage : « Object of desire », d’un certain Roger Duchowny (ça fait « chewing-gum )>, ce nom !). Son rôle ? Une star de télé stressée qui part se reposer les méninges sur une île. Manque de bol, elle se fait agresser une nuit durant par un fan amoureux d’elle. On le serait à moins… Traci Lords est donc en passe de devenir l’un des plus grands espoirs féminins du cinéma américain. Elle a en elle suffisamment de peps, de poitrine, de tonus, de poitrine, de talent (et de poitrine) pour rivaliser avec les meilleures actrices d’aujourd’hui. Comme Jane Birkin, par exemple !

lundi, mars 10th, 2014 Mes sujets chauds

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