Voices of Sarafina, l’histoire des enfants de Soweto

Soweto L’Afrique, celle du Sud, la bafouée. Un décor dans lequel Sarafina, petite écolière de Soweto, vit en permanence. Un décor où règne en maître le couperet d’un pouvoir avide de violence et de haine. Le souffle de liberté que connaît enfin le royaume de l’apartheid, Sarafina en rêve depuis toujours. Sarafina vit plus qu’une simple histoire sur le bien et le mal, où des héros combattraient contre un vilain pas beau. Son histoire gonfle les poumons à en éclater et ne peut que vous faire réagir, honteux de n’être que des témoins d’un tel spectacle. Le spectacle d’adolescents noirs relatant, par la puissance de sa musique et sa culture tout entière, les événements qui ont secoué Soweto en 1976: 15 000 écoliers s’emparent de la rue pour protester contre la dernière tactique d’intimidation du gouvernement qui impose l’afrikaans comme langue officielle de l’Afrique du Sud. Ghetto! La lutte fait près de 1 000 morts. Mbongeni Ngema, ancien guitariste de jazz devenu metteur en scène, se lance dans l’écriture de «Sarafina» après une rencontre avec Winnie Mandela, la femme de Nelson. C’est à Hugh Ma-sekela, trompettiste de jazz, qu’il en confie la musique. Les auditions se déroulent dans les townships où une trentaine d’adolescents sont sélectionnés parmi 700 autres.

Soweto Nourris et logés par la production, les jeunes préparent pendant huit mois un spectacle qui mêle chants et danses avec la culture de leur pays. Son professionnalisme n’atténue en rien les sentiments des enfants, décuplés par leur travail acharné. Après les premières représentations, qui se tiennent au Market Theater de Johannesburg (haut lieu du théâtre noir d’Afrique du Sud), la troupe s’envole aussitôt à Broadway où elle connaît un triomphe pendant deux ans. En novembre 1989, «Sarafina» arrive pour la première fois en France. La critique est unanime. Son succès est assuré. Un nouveau rendez-vous est pris pour mai. «Vous êtes ambassadeurs, vous devez dire et montrer la situation des Noirs en Afrique du Sud». Tels sont les propos de Mbongeni Ngema quand il s’adresse à ses jeunes acteurs. Des acteurs tous très (trop) proches de la réalité, à vous faire pleurer des rivières, des lacs.., la mer aussi. A travers les personnages qu’ils interprètent transparaît la souffrance de leur existence. Une souffrance qui les guide beaucoup plus que l’espoir d’une victoire. Aussi imparfaite soit-elle, la nature humaine a toujours inspiré la noblesse en dépit du crime, de la guerre, de la pauvreté et de l’injustice. S’ils préfèrent la folie de la révolte à une raison froide et sans âme, c’est pour mieux se battre contre l’injustice. Là-bas, le mépris pour la vie des Noirs n’est même pas tempéré par la justice. Un film beau comme la vie. On prend dans la gueule leur héroïsme et leur courage malgré leurs faibles chances de vaincre… Tout ça, c’est «Sarafina », le spectacle autour duquel il fallait plus que tout faire un film. Nigel Noble, ancien producteur de Bob Dylan, Santana, The [agies… est contacté par le Lincoln Center pour en assurer la réalisation. Il rencontre alors Ngema Mbongeni, et crée «Voices of Sarafina » (présenté dans «Un certain regard » au Festival de Cannes 1989). Un film superbe qui mêle habilement interviews et commentaires d’acteurs avec des extraits du spectacle. Notre inconscient ne se contente alors plus d’un spectacle magnifique. Il est obligé d’admettre que tout ceci n’est rien moins que la réalité… Dans le film, la réalité et la fiction évoluent dans le même sens. Toujours plus haut, toujours plus fort, toujours plus triste… Les détails au quotidien d’une vie de p’tit black de Soweto se mélangent aux chants et aux danses pour conclure par leur rencontre avec une très grande dame, leur reine, Myriam Makeba.

Celle qui chante partout dans le monde son pays, sa culture et sa souffrance rencontre les adolescents pour la première fois et un seul regard suffit pour qu’ils s’effondrent en larmes. Comme des enfants abandonnés qui retrouvent leur mère après des années. Le spectacle est terminé à Paris depuis le 25 mai, mais «Sarafina» sera à Toulon en juillet prochain, et le film sort le 30 mai dans toute la France. Vous pourrez ainsi être les témoins de la folie des hommes quand le masque fragile d’une civilisation est arraché, découvrant le visage sauvage de la race humaine. Ce film est beau, beau comme la vie et le sourire de ces blackies. Et s’il faut un symbole à l’espoir, donnons-lui «Sarafina».

mercredi, février 19th, 2014 Mes sujets chauds

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